« Un Repair Café dans mon école » est un projet encadré par l’asbl Repair Together. Grâce à leur accompagnement, élèves et enseignants mettent sur pied un repair café pérenne au sein de leur école. Une belle ouverture vers les parents, le quartier, et surtout une magnifique valorisation des talents divers et parfois étonnants des uns et des autres.
Au début de l’année scolaire 2022-2023, Lionel Grégoire, prof de math depuis 9 ans mais pas que, se lance dans l’aventure avec ses classes de troisième et quatrième secondaire de qualification. Lors de la première rencontre avec l’équipe pédagogique de l’Institut Filles de Marie à Saint-Gilles, les animatrices de Repair Together sont impressionnées par la motivation personnelle et virale du professeur, qui emporte des collègues dans son sillage. Sa volonté de rendre l’activité de réparation accessible même aux élèves, quand il s’installe pendant les récréations dans la cour avec des objets désossés, fait son chemin et recueille des adeptes.
Mais quelle est sa recette ? Lionel a joué le jeu de l’interview pour vous éclairer.
S’il vous convainc et que vous aussi désirez amener la réparation dans votre école, retrouvez ici toutes les informations sur le projet « Un Repair Café dans mon école ».
Comment as-tu commencé à t’intéresser à la réparation ? Quelle est ton expérience ?
Tout a commencé par une volonté de trier correctement mes déchets quand nous avons emménagé en location avec ma femme il y a 8 ans. Étant indécis d’où jeter certains déchets car composés de plusieurs matériaux, j’ai décidé de tout disséquer pour pouvoir jeter les déchets aux bons endroits. Trois ans plus tard, nous achetons notre maison et c’est à ce moment-là que je me suis totalement épanouis. Je peux construire mon atelier, faire des trous dans les murs, acheter du matériel et pouvoir l’entreposer.
A force de démonter les objets, je commence à comprendre leurs fonctionnements et donc éventuellement comment réparer ou reproduire/imiter.
A l’heure actuelle, j’ai un attrait particulier pour la menuiserie et le travail du bois. En second, vient l’informatique, les réseaux et donc forcément l’électronique. Mon expérience de la réparation est donc essentiellement personnelle ; j’essaie de faire perdurer la plupart des objets qui m’entourent. Même si maintenant il m’arrive souvent d’avoir la tête dans les imprimantes pour comprendre les bourrages à répétition, ou en l’air pour paramétrer un routeur correctement car il ne diffuse plus le Wi-Fi suite à une coupure de courant, c’est un virus très grisant que de vouloir tout réparer.
Est-ce que tu penses que l’acte de réparation intéresse les jeunes ? Comment t’y prends-tu pour les accrocher ?
De mon observation, les jeunes du secondaire sont essentiellement attirés par la curiosité. Ils font, en fait, exactement le même cheminement que j’avais eu à l’époque : démonter à tout prix l’objet, le dépecer complétement.
L’expérience leur apporte la sagesse : « Haa, il y a des vis cachées derrière les pieds en caoutchouc, je ne me laisserai pas avoir cette fois-ci » et la satisfaction de faire des choses que peu savent faire et qui ne s’apprennent normalement pas à l’école.
Malheureusement, l’attrait n’est pas encore pour les enjeux écologiques. Ce genre de préoccupation, ça commence à parler à des élèves plus âgés, déjà presque adultes. Et ils ne sont pas nombreux. De plus, avoir une réparation sur un objet, si elle est visible, ça fait marginal dans leurs esprits. Cela ne colle absolument pas à l’image qu’ils aimeraient donner. Ils veulent un avenir où ils seront riches. C’est-à-dire s’acheter ce qu’ils veulent quand ils le veulent. Il y a plusieurs problématiques épineuses ‘dans ce dernier constat’. Disons que l’orientation des élèves est essentielle… Qu’il faut informer au maximum sur les moyens circulaires qui existent.
Est-ce que la mise en place d’un Repair Café est un projet qui te semble pérenne pour ton jeune public ? Comment continuer à leur parler de réparation ?
Oui, je pense que ce projet pourrait être pérenne pour les élèves.
Je prends l’exemple de notre cours de jeu d’échecs. Nous avons débuté en classe, il y a 6 ou 7 ans. Depuis, les élèves jouent à la bibliothèque, salle d’étude, salle de détente. Ils ont même organisé un tournoi, hier. Et ce, sans notre participation, de leurs propres volontés. Il nous a suffi de mettre à disposition des plateaux et pièces à différents endroits de l’école. On pourrait imaginer un moyen similaire pour la réparation. Des kits de réparation (comme iFixit) seraient disséminés à gauche à droite pour permettre aux élèves de s’essayer à changer leur écran de smartphone ou autre si l’envie leur en prend. C’est une prochaine étape.
Est-ce que tu as déjà une anecdote de réparation avec un élève à nous partager ? Quelque chose qui t’a fait sourire ou qui t’a surpris ?
Non, pas spécialement. Si ce n’est que l’élève avec qui je travaille le plus, est hyperkinétique. Je ne sais pas si c’est diagnostiqué, je ne l’ai pas en cours. Je le vois souvent faire des aller- retours dans l’escalier, courir partout dans la cour, grimper sur tout ce qui bouge. Vous pouvez demander à n’importe qui dans l’école, s’il y a un hyperkinétique dans l’école, c’est lui. Il est connu de tous, tellement il fait des vagues. J’étais méfiant la première fois que je lui ai mis un tournevis en main. Je ne dirais pas que c’était une révélation car il était quand même ‘limite dangereux’ pour lui et les autres. Mais il était canalisé par rapport à ce qu’on peut voir de lui tous les jours.
Hier, cela faisait 10 fois que nous travaillons ensemble. Il a passé 2 heures, assis et concentré à dessouder des composants sur une petite carte que je lui ai donnée. Une sacrée évolution. Je crois bien que je pourrai bientôt lui donner un objet à réparer. Il pourra le démonter sans rien casser.
Vous aussi désirez amener la réparation dans votre école ? Retrouvez notre projet Un Repair Café dans mon école sur le site de Bruxelles Environnement.